Le travail de la C.N.E. doit obéir à plusieurs exigences:
- la pluridisciplinarité systématique des recherches et débats,
- le débat pluraliste, objectif qui tienne compte de la complexité de l'horizon normatif de notre société,
- des Avis qui soient consensuels à l'égard des points sur lesquels un patient débat peut générer une convergence des opinions, mais qui n'en respecte pas moins les divergences inévitables, tout en les présentant d'une manière qui soit acceptable pour tous,
- le débat régulier avec la société civile et les instances politiques.
Pluridisciplinarité
La bioéthique est, de par nature, multidisciplinaire.
Son objet est constitué, pour l'essentiel, par la thématisation et la résolution de problèmes éthiques. Ces problèmes sont soulevés tant par les rapides progrès des sciences de la vie que par la complexité des situations auxquelles sont confrontées, de nos jours, la recherche et la médecine. Ils peuvent, d'autre part, avoir leur origine dans les transformation de nos sociétés et dans les adaptations de leur horizon normatif. Certains problèmes ont en effet, leur origine dans les modifications, parfois insensibles, parfois nettes des valeurs et exigences normatives gouvernant la société.
La résolution de ces problèmes éthiques consistent, pour l'essentiel, dans un prudent équilibrage de valeurs et d'exigences normatives rivales.
Bien que la partie centrale en soit constituée par des problèmes éthiques, la bioéthique ne peut être que pluridisciplinaire. Elle l'est dans la mesure où l'identification, la thématisation et l'articulation des problèmes éthiques est, largement, l'affaire des chercheurs engagés, notamment, dans les domaines de la biologie, de la génétique, de la recherche biomédicale. Elle est l'affaire, pareillement, des médecins, des personnels de soins, des patients, de leurs proches. Elle suppose la connaissance de contextes juridiques, sociétaux, psychologiques. Le débat éthique se fait, d'autre part, sur l'arrière-fond d'horizons normatifs divergents et de traditions culturelles multiples, parfois rivales. Il suppose une prise de connaissance prudente et avertie de cet état de choses. Par ailleurs le débat éthique n'a de portée sociétale que pour autant qu'il se prolonge dans un débat juridique.
Tel étant le cas, il va de soi que la composition des commissions nationales d'éthique doit être pluridisciplinaire et que les réglementations qui la gouvernent doivent, à intervalles réguliers, être adaptées aux transformations intervenues dans les contextes tant scientifiques et techniques que sociétaux.
Débat pluraliste
Autant qu'il doit être multidisciplinaire, le débat mené dans les commissions nationales d'éthique doit être pluriel.
L'un des objets (essentiels) des commissions nationales d'éthique est de conseiller des gouvernements présidant à la destinée de nations traversées par de profonds clivages sociaux, culturels et normatifs. Les recommandations des commissions d'éthique doivent répondre aux exigences dictées par cette situation.
Leurs recommandations doivent, dans toute la mesure du possible, reposer sur des valeurs et exigences normatives communes à une large majorité de citoyens.
C'est dire que les débats doivent être menés dans un esprit de pluralisme. Elle doivent tenir compte de la complexité de l'horizon normatif de nos sociétés et s'efforcer de projeter, dans le dialogue, des solutions transcendant, pour autant que possible, les clivages existants.
Consensualité
Afin que les débats correspondent aux exigences, les commissions d'éthique doivent:
-
être composées de manière à refléter les clivages culturels et normatifs de la société,
-
explorer avec prudence et ténacité tant l'horizon normatif des membres que la nature concrète des situations et des contextes.
Dans cette optique, ils doivent tenter de s'accorder, autant qu'il se peut, sur des solutions consensuelles, transcendant les clivages normatifs.
Dans des contextes délicats toutefois, des dissensions majeures subsisteront. Il est alors essentiel que les tenants de chaque orientation puissent développer leurs arguments et que le texte final des Avis documente clairement les lignes d'argumentation de la majorité des membres et de la ou des minorités.
Même en cas de dissensions substantielles, la Commission Nationale d'Ethique a toujours évité, au fil des années, d'opposer Avis majoritaire et prises de position minoritaires. Elle s'est efforcée d'aboutir, dans toute la mesure du possible, à des consensus aussi larges que possibles. Chaque fois que ceux-ci ne pouvaient pas être obtenus, elle s'est employée à rédiger des Avis documentant, objectivement, les orientations de l'ensemble des membres, et acceptés, en tant que tels, par tous de manière unanime.
Débat régulier
Les Avis de la C.N.E. ont trois destinataires:
- le Gouvernement qui, sauf en cas d'auto-saisine, en est d'ailleurs le commanditaire
- le pouvoir législatif
- la société civile
Il est essentiel que la Commission informe le public sur la nature et l'objet des problèmes bioéthiques et qu'il entre en discussion avec la société civile.
C'est pour cette raison que, d'une part, la C.N.E. publie régulièrement ses Avis et que, d'autre part, elle organise, annuellement, une Journée Nationale d'Ethique ayant pour objet, notamment, de susciter, d'alimenter et d'animer un débat public consacré aux problèmes de bioéthique. Par ailleurs, il est essentiel que la Commission reste en contact suivi avec les chercheurs dans le domaine des sciences biomédicales.